Tales from the Crypt : le jeu dangereux de Al Davis

Laurent continue de nous faire le tour des "pires" franchises NFL avec aujourd'hui les Raiders...

Retour sur le passif des Raiders

Revenons tout d’abord en arrière… et plus particulièrement au NFL Combine de 2007. Là, un jeune garçon impressionne. Les critiques sont dithyrambiques :
« Son talent est des plus conséquents. Il est rare de voir un garçon, de cette taille, posséder une telle puissance dans le bras. » GM Phil Savage (Cleveland Browns)
« Je ne comprendrais pas que l’on ne le choisisse pas en tant que n°1 lors de la Draft. » John Clayton (ESPN)
Effectivement, le dit garçon en question fut choisi en tant que n°1 (par les Raiders). Quatre ans plus tard, il est au chômage. Son nom ? JaMarcus Russell. Un sujet de crises et de nuits courtes pour Coach Tom Cable.

De toute façon, les Raiders se sont spécialisés dans les choix bien spécifiques. Lors de la Draft 2009, Oakland avait passé outre des WR autrement plus talentueux comme Jeremy Maclin (Eagles) ou Michael Crabtree (49ers) afin d’aller chercher Darrius Heyward-Bey. Ce dernier n’avait pour lui que son temps au 40 yards dash time (4,3 secondes), ce qui en faisait le WR le plus rapide de toute la draft 2009. Le problème, c’est que la vitesse seule ne fait pas grand chose lorsqu’on n’arrive pas à rattraper un ballon. Les fans des Raiders présents ce jour-là à la Draft sifflèrent longuement leur équipe à l’annonce du choix de Heyward-Bey.

Dernièrement, je lisais une interview de Coach John Harbraugh (Baltimore Ravens) Un passage était des plus intéressants. Baltimore se trouve actuellement dans une situation similaire à Oakland : A la recherche d’une menace dans la profondeur du terrain afin de développer un jeu à la verticale. Coach Harb s’exprimait ainsi :

« On essaie toujours de s’améliorer et l’idée serait de recruter un WR rapide. En fait, j’aimerais avoir des gars qui sont bons, pas uniquement rapides. Est-ce que leur temps au 40 yards dash time est si important que cela ? Ils sont peut-être rapides mais sont-ils capables de jouer rapidement ? Est-ce qu’ils peuvent se défaire de leur marquage rapidement ? Est-ce qu’ils sont capables d’aller attraper la balle dans n’importe quel périmètre du terrain ?
Vous devez évaluer les receveurs, savoir si leur domaine de prédilection se tient à l’intérieur du terrain ou à l’extérieur. Les gars dont les Ravens ont besoin, se doivent de gagner en un contre un. C’est dur de trouver cela en collège aujourd’hui. Ca ne vous est plus enseigné. Qui joue encore en press coverage au collège ? C’est si facile de se retrouver ouvert lorsqu’il vous faut vous défaire du vent. »


C’est tout le problème de ces Raiders qui adorent tout ce qui est flashy, tout ce qui brille. Ca manque cruellement de réflexions, de vision sur du moyen-long terme. On ne se pose pas les bonnes questions.

Finalement, la meilleure transaction d’Oakland ne se trouve pas dans la draft, mais plutôt dans un trade. Jason Campbell, acquis pour un 4ème tour de draft (2012 !), aura permis de stabiliser cette équipe souffreteuse. 8 victoires pour 8 défaites. Quelques bonnes performances (double victoire contre les Broncos dont un 59. 14 (week 7), double victoire contre les Chiefs) et quelques grossières déceptions (des défaites contre les peu flambants Cardinals, 49ers). Première équipe dans l’histoire de la NFL à terminer invaincue dans sa division sans faire les playoffs. Une petite stat qui permet d’oublier une autre qui collait à Oakland : En 2009, elle était devenue la 1ère équipe, dans l’histoire de la NFL, à avoir perdu au moins 11 matchs chaque saison depuis 7 ans.

Al Davis n’est jamais content.

Al Davis n’est pas content. Il a décidé de passer à l’action. Le jeune proprio des Raiders, du haut de ses 81 printemps, a annoncé le 4 Janvier que le contrat de Tom Cable ne serait pas renouvelé.

Plusieurs joueurs dont Shane Lechler (P) ont regretté ce mouvement. Mais qu’importe, Hue Jackson (coordinateur offensif) est d’ores et déjà nommé Head Coach. Al Saunders, débauché de chez les Ravens, l’assistera. Un journaliste annonce sur tweeter que Davis n’a pas confiance en Jackson et prévoit de le remplacer au moindre faux pas par Saunders. Ambiance ! Ambiance !
Mais qu’il y a-t-il de réellement étonnant ? N’a-t-on pas affaire au proprio le plus fantasque de la NFL ? Il y a des moments comme cela où Al Davis se sent visiblement inspiré. 1980 fut d’ailleurs une année millésime dans le genre.

A ce moment là, Al Davis tentait en vain de faire les aménagements nécessaires au Oakland Coliseum (notamment un projet de loges des plus luxueuses). Frustré par son insuccès, l’idée de déménager la franchise d’Oakland à Los Angeles fut une formidable opportunité financière, qu’il lui fallait absolument saisir. Al Davis visait ainsi deux objectifs : Los Angeles est le second marché en termes d’audience aux Etats-Unis, ce qui permettait de développer la thématique du pay-per-view (évènement télévisuel payant). Al Davis comptait également exporter son idée de loges démentielles à Los Angeles. Pour qu’un tel mouvement se fasse, une majorité de trois quart des propriétaires de franchises de la NFL devait donner leur accord. Le résultat fut sans équivoque : 22 proprios étaient contre le déménagement de la franchise. Aucun pour. 5 se sont abstenus. Est-ce que cela suffisait à arrêter le bouillant proprio des Raiders ? Non, pas vraiment. Une injonction de la Cour peut-être ? Toujours pas.

Le Los Angeles Memorial Coliseum (l’institution qui détient le stade et se charge de lui trouver un occupant), qui avait déjà en travers la gorge la perte des Los Angeles Rams (parti jouer à Anaheim avant de devenir en 1995 les St Louis Rams), voyait ses rêves de football américain partir en fumée avec l’échec du projet Raiders. Une plainte fut donc déposée contre la NFL pour abus de position dominante. Elle reçut l’appui de… Al Davis lui-même. Ce dernier n’en restera pas là, réalisant ses propres démarches de son côté. En Mai 1982, la justice américaine donna raison au Los Angeles Memorial Coliseum, ainsi qu’Al Davis et condamna la NFL à des frais astronomiques. Ce fut aussi une période où Al Davis fut le seul propriétaire d’une franchise de la NFL à supporter l’USFL (United States Football League), une ligue rivale. La rancœur était tenace.

En tout cas, la voie vers le succès pour les Los Angeles Raiders était lancée. Avec le SuperBowl XVIII à la clé, une victoire 38- 9 contres les Redskins, le 22 Janvier 1984.


La première moitié des années 80 fut grandiose pour cette franchise. Beaucoup de gamins & d’ados ont supporté cette équipe à l’époque (l’un des plus illustres étant le rappeur Ice Cube).



Mais les bonnes choses ne durent qu’un temps. Les résultats déclinèrent rapidement. Pendant ce temps-là, notre sémillant Al Davis se sentait floué par le Los Angeles Memorial Coliseum . Le stade, construit en 1921, accusait le coup. Les travaux promis pour le projet de loges n’avaient toujours pas débuté. Mais pire encore, le voisinage du stade était livré à une criminalité des plus conséquentes. Le bouillant proprio se mit donc en quête une nouvelle fois d’un autre stade pouvant accueillir son jouet les Raiders. Différents projets comme celui de Hollywood Park ou Irwindale tombèrent à l’eau.

On date à 1989 la première intention de Al Davis de rapatrier les Raiders à Oakland. En 1991, Davis officialisa son souhait d’un retour aux racines. Les négociations mirent quatre ans avant d’être bouclées.

Durant toute cette époque, ce fut aussi la rivalité entre deux hommes : Al Davis & Pete Rozelle (NFL Commissionner - un prédécesseur de Roger Goddell), rivalité rentrée dans le panthéon de l’histoire pour de nombreux fans américains. Rozelle se retira en 1989 et ne subit donc pas les dernières frasques d’Al Davis. Car ce dernier était bien décidé à faire payer la NFL pour son retour à Oakland. 1995 fut donc une autre grande année dans les relations tumultueuses de Davis avec la Ligue. Un premier procès intenté contre la NFL pour réclamer les droits exclusifs sur le marché de Los Angeles, malgré le fait que les Raiders étaient bien à Oakland. Procès perdu. Un second pour accuser la NFL d’avoir saboté les efforts d’Al Davis dans la construction d’un stade à Hollywood Park. Procès fleuve avec un premier avis favorable pour la NFL. Cependant, le jury fut récusé pour avoir des à-priori défavorables contre Al Davis. Un procès qui eut des répercussions jusqu’au 2 Juillet 2007 où la Cour Suprême de Floride confirma le jugement défavorable contre Davis.

Le jeu dangereux de Al Davis.

Retour en 2011 et plus particulièrement au mois de Février. En l’espace d’une semaine, les Raiders ont signé Richard Seymour (DT), John Henderson (DT) & Stanford Routt (CB), des prolongations de contrats sur du court terme pour un montant total de 69,5 millions $.
Pour le LB Kamerion Wimbley, les négociations furent plus difficiles. Afin d’éviter que le joueur puisse avoir des contacts avec d’autres franchises lors de la free agency, Oakland partait sur un contrat quelque peu hors-la-loi. Le NFL Management Council dut rappeler à Oakland que le contrat en question n’était pas viable, dépassant la règle des 30%. Grosso modo, il ne peut y avoir une augmentation de plus de 30% du salaire annuellement. De ce fait, les Raiders ont opté pour la franchise tag, ce qui signifie que Wimbley signera le Jeudi 3 Mars un tender de 11,3 millions $.

Et ce n’est pas fini : Au programme des négociations devraient avoir lieu avec Zach Miller (TE). Al Davis dépense à tout va au moment où la NFL tente de faire avaler au syndicat des joueurs que le modèle financier actuel n’est plus valable, que les salariés doivent revoir leur rémunération à la baisse. Ceci n’est pas très malin ; les confrères de Davis l’ont bien compris. Il n’y a pas eu à ce jour de signatures retentissantes sur le marché ; certaines franchises ayant choisi le parti pris de noyer le poisson (signature d’un tender, puis renégociation en un contrat long terme lorsque le CBA sera signé). Le petit jeu de Al Davis peut avoir une incidence non négligeable sur les négociations du CBA (Collective Bargaining Agreement), mais également sur les transactions des autres équipes (free agency, draft…). Bonjour Roger Gooddell, je vous présente Al Davis. L’un de vos prédécesseurs, Pete Rozelle, s’était déjà arraché les cheveux avec lui.

Pour signer un joueur, le mode de fonctionnement des équipes (et des agents) est de prendre en compte les salaires en vigueur dans la NFL. Ainsi, en assurant à Stanford Routt un salaire colossal de 31,5 millions $ sur trois ans, les Raiders génèrent une inflation des plus conséquentes au niveau des CB censés atterrir en free agency. Ceci étant, ceci indique bien que Nnamdi Asomugha ne sera plus un Raiders la saison prochaine (pour ceux qui en auraient encore douté). Cependant, cette réévaluation de la fiche de paye, pour un bon CB comme Routt , mais pas franchement un talent d’élite, est évidemment contre-productive pour la Ligue.


Déjà, l’année dernière, Al Davis avait signé Shane Lechler (P) & Sebastian Janikowski (K) pour des contrats record. Le troisième larron, bénéficiant des largesses de Davis, se nommait Jon Condo. Qui ça ? Vous auriez raison de ne pas connaître. Condo, c’est le gars qui tient le ballon lorsque Janikowski essaie de transformer un coup de pied. 1,68 million $ pour tenir un ballon. On remercie qui ? Merci Al Davis.
Le bouillant proprio des Raiders, qui s’est lâché avec son porte-monnaie, attise les convoitises.

Dernièrement, Darth Vador, himself, essayait de se faire embaucher comme garde du corps pour un salaire à 6 chiffres :

Plus sérieusement, on appelle ça des « salary drivers ». De telles transactions entrent directement en ligne de compte des calculs de la Ligue pour les franchise tag et les salaires des joueurs de transition. Quel est l’intérêt d’ouvrir le porte-monnaie à ce point ? En termes de revenus générés, cela ne rime à rien. Pour le magazine américain « Forbes », les Raiders étaient l’une des équipes qui valait la moins chère de la NFL, soit à peu près 758 millions $. Un chiffre en baisse de 5% en un an. La cause ? Déjà à ce moment là des contrats pharaoniques pour des joueurs qui ont fait un bide retentissant : DeAngelo Hall, Javon Walker et surtout les 40 millions $ garantis pour JaMarcus Russell. De plus, les revenus générés par l’intermédiaire du stade (vente de billets…) ne prêtent guère à l’optimisme.

Le fait est que Al Davis a 81 ans, que sa santé est défaillante et qu’aujourd’hui, il lui presse de retrouver l’ivresse d’une équipe triomphante, le temps du succès des Los Angeles Raiders, par exemple. Peu importe l’argent dépensé. Et, à ses yeux, des joueurs comme Richard Seymour ou Kamerion Wimbley peuvent être les généraux sur le terrain nécessaires pour aller de l’avant.
Donc, récapitulons. Les situations de Seymour, Henderson, Routt & Wimbley, cela monte à 80 millions $, ceci bien entendu sans les bonus inhérents à tout contrat. Toutes ces critiques sur les incidences possibles sur le CBA, sur la free agency, sur la gestion de l'équipe ont poussé Al Davis à dépêcher son bras droit pour une conférence de presse ce Lundi 28 Février. Les justifications de John Herrera sont savoureuses à souhait :

« Lorsque vous signez ces joueurs, avec les contrats que nous leur avons proposé, ces investissements sont faits pour le futur. Ces gars doivent tout d’abord jouer et mériter cet argent, avant de penser à être payé. Les Raiders n’ont à ce jour dépensé aucun centime.
Ces transactions, on les a mené afin de protéger notre franchise, notre équipe, de nous permettre d’aller de l’avant. »


Ah, au fait… petit rappel avant de finir… avec la fin du CBA, la saison précédente était sans salary cap. La négociation actuelle du nouveau CBA aboutira forcement à un salary cap pour la prochaine saison. Le résultat risque d’être amusant à voir sur le reste de la composition de l’équipe des Raiders. On souhaite beaucoup de courage à la Raiders Army. Ils en auront besoin. Car il ne faut pas oublier que malgré tous ces déboires les Raiders restent une des équipes de la NFL les plus populaires dans tout les Etats Unis et à travers le Monde.



5 commentaires:

  1. Article brillant , certe. Mais le titre me gène grave.

    En effet, présenter les Raiders dans la rubrique "les pires équipes de la NFL", c'est une malhonnêteté intellectuelle. Tout simplement...

    C'est comme parlé du PSG en intitulant l'article : "Une des pire équipe de la LNF".

    Oakland est la 6e équipe la plus titrée de la NFL et la dernière de sa division à avoir participé au SUPERBOWL. 2002, ce n’est pas si vieux pourtant … Demandez aux Cowboys ou aux Dolphins !

    N'oublions pas aussi que Al Davis est le premier de la NFL à avoir embauché un coach noir. C'était pas rien à l'époque.

    Après je suis le premier à dire qu'il est devenu sénile, mais que voulez-vous, la NFL n'est pas une démocratie et on élit pas les proprios (sauf Green Bay, mais c'est une exception historique).

    On glorifie souvent les fans des Steelers et des Packers pour leur fidélité et leur engouement… mais rarement ceux des Raiders. Pourtant, ils ont plus de mérite dans une région où le foot est loin d’être une religion et où le fric et le bling-bling sont rois.

    Lisez aussi cet article sur les Raiders, pour contre-balancer : http://www.elitefoot.com/france/article/nfl/oakland.htm

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  2. Belette le "pire" est entre guillements je pense que tu as vu!! Et il ne concerne que la période de ces dernières saisons, personne ne peut et ne veut oublier les heures de gloire de la Raider Nation ! C'est d'ailleurs aussi pour ça que ça marque les esprits. Le sentiment d'un immense gachis... Par contre "fric et bling bling rois" en Californie du Nord? tu confonds avec la Californie du Sud je crois!

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  3. Je parle de la Californie dans sa globalité, en tirant à grand trait l'image de cet état.
    C'est vrai que Oakland est une ville un peu à part dans cet état et même dans la baie.

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  4. Oui Belette pour le coup tu fais un double amalgame plutot osé! Si tu veux insulter un habitant de la Baie, met le dans le même sac que les Californiens du Sud et si tu veux insulter un habitant d'Oakland, met le dans le même sac que le reste de la Baie!! Tu trouveras difficilement moins "fric roi" dans tout le pays que l'"East Bay" de Berkeley à Oakland ! On parle là du creuset des contestations de la fin des années 60, du pays des Blacks Panthers, des manifs violentes et des attentats de la fac de Cal ... C'est toute proportion gardée comme si tu disais que le 93 est le pays du fric et du bling bling parce que faisant partie de l'Ile de France région la plus riche de France...

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  5. Salut, ca fait plaisir de voir, en tant que fan, un article sur les Raiders ^^
    Heureusement qu'Al Davis le sénile est encore présent, sinon la NFL serait bien lisse :D

    En tout cas, bravo pour le boulot pour nous permettre de suivre le championnat et allez les Dauphins ;)

    J'ai un blog sur les Raiders, j'en ai profité pour rajouter un lien vers votre site

    http://oaklandraidersnation.blogspot.com/

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