Interview de Nicolas Tomasini directeur sportif des Bruleurs de Loups pour "4th and Goal"

Article publié dans le 4th and Goal de ce mois ci
Nous continuons notre tour d’horizon des « autres sports US » et leur développement en France aujourd’hui avec le hockey sur glace. C’est Nicolas Tomasini, directeur sportif du club des Bruleurs de Loups de Grenoble et ancien Centaure qui a répondu à nos questions pour l’occasion quelques jours après que son club ait réussi son pari du « Winter Game » à la française au Stade des Alpes le 22 décembre.

- Nicolas, où en est aujourd’hui le hockey français ?

- La situation du hockey en France est très paradoxale. Partout notre sport rencontre un immense succès local mais nous restons un sport très mineur au niveau national. Le contraste est très fort entre ce que l’on voit dans les villes du hockey avec des patinoires remplies, des médias conquis, des équipes qui sont les égales des équipes de soccer ou de rugby et une couverture médiatique nationale très pauvre. Le hockey est un sport majeur à Grenoble, Amiens, Rouen ou Angers mais n’existe pas dans d’autres régions du pays.

La fédération a décidé donc de mettre l’accent sur cette couverture nationale en signant depuis le début de cette saison un contrat avec le groupe Amaury (NDLR : Propriétaire de l’ « Equipe »). L’équipe.fr diffuse ainsi en streaming un match à chaque journée de championnat et l’Equipe21 retransmet en direct une dizaine d’autres rencontres. Ce contrat devrait prendre de plus en plus d’ampleur ces trois prochaines saisons avec pour point d’orgue le Mondial 2017 qui sera organisé en France et en Allemagne.

- On sait que souvent les sports en France sont tributaires des bons résultats de l’Equipe de France. Est-ce que l’absence de cette dernière aux JOs de Sotchi est un handicap ?

- L’élite du hockey mondial est très fermée. Les 7 ou 8 meilleures nations sont quasi intouchables et avec 12 nations aux JOS c’est toujours difficile pour la France d’y aller. Quand elle y va elle a du mal à exister et si c’est pour perdre match après match ce n’est pas forcément constructif pour notre sport. Il est vrai que pour exister dans un journal comme l’ « Equipe » ça passe souvent par l’équipe de France mais il ne faut pas être obnubilé par cet aspect des choses. Construire une ligue attrayante avec une qualité de jeu et une vraie densité est aussi un objectif clé, et ce sera encore plus le cas en 2016 quand nous passerons à une ligue de 12 clubs, savoir nous « vendre » et mettre en valeur nos équipes c’est très important. L’organisation du Mondial 2017 est aussi en ce sens plus crucial que les JOs, le faire avec les Allemands va nous permettre d’apprendre, d’acquérir des savoirs faire et d’avoir chez nous une compétition que nous ne pourrions accueillir seuls aujourd’hui.

- Après Cristobal Huet, il y a aujourd’hui deux français (NDLR : Roussel et Da Costa) en NHL, est ce que le hockey français peut capitaliser sur eux pour se faire mieux connaitre ?

- C’est très difficile. Ils ne sont pas, comme peut l’être Tony Parker pour le basket, des stars de la ligue. Joueurs de 3ème ou 4ème ligne ils marquent peu, sont des joueurs « de l’ombre » en NHL. De plus ils sont partis jeunes en Amérique du Nord et manquent donc d’attaches en France, les fans de hockey français les connaissent finalement assez mal à la différence de C Huet qui avait été une star en Championnat de France et qui en plus jouait à une position plus visible en NHL. Ils reviennent porter le maillot de l’Equipe de France à chaque grande compétition ce qui est déjà appréciable mais aujourd’hui on ne peut pas trop compter sur eux pour que le hockey soit plus médiatisé en France.

- Outre la médiatisation, la grande difficulté pour développer le hockey reste les patinoires non ?

- Oui sans aucun doute. Si notre pays avait plus de patinoires nous aurions plus de clubs c’est aussi simple que cela. A Grenoble où nous avons pourtant une très belle enceinte du fait des plannings de la patinoire nous sommes obligés chaque année de refuser des licenciés en hockey mineur. Et les patinoires construites sont souvent mal adaptées à la pratique du hockey. La fédération vient à ce sujet de mettre en place une commission « patinoire » pour qu’elle fasse entendre sa voix à chaque fois qu’un projet de patinoire est lancé dans le pays. Les élus, adjoints aux sports, directeurs des services techniques connaissent en général très mal notre sport et il faut être présent auprès d’eux pour que l’on ne soit pas oublié. Ensuite ces installations sont souvent gérées par des sociétés privées qui ont tendance à privilégier les ouvertures au public qui rapportent évidemment bien plus que des entrainements des clubs de hockey, il faut donc faire entendre notre voix lors des rédactions des contrats de délégation entre les collectivités locales et ces sociétés.

Pour ce qui est des clubs pro l’enjeu est aussi de convaincre les mairies qu’aujourd’hui en dessous de 3 000 places un club n’a pas les moyens de se développer pour jouer les premiers rôles. Les patinoires se remplissent très vite et on a plusieurs cas où les gens se disent quelques années après avoir livré une nouvelle enceinte « si on avait su on aurait fait plus grand » !

- En Europe il y a des championnats que tu vois comme des exemples à suivre ?

- Pour moi la référence c’est la Suède.

- Vous venez de faire fort avec le « Winter Game » joué devant 20 000 personnes au Stade des Alpes. Raconte-nous un peu cette aventure.

- Derrière David Bertuzzi qui a été le coordinateur de cet événement nous étions une équipe de 7 personnes qui s’est donnée sans compter pendant plusieurs mois sur ce projet. Cela a été un énorme investissement en temps et en énergie. Je dois même avouer que l’on a terminé cette aventure complètement épuisés. En Allemagne l’an passé ils étaient plus du double pour organiser le même type d’événement. Ce fut un énorme challenge et jusqu’au bout on a eu à affronter des obstacles, certains qu’on a cru infranchissables par moment. Très peu de gens en dehors de notre équipe croyaient que l’on allait y arriver et chose incroyable et très française on s’est aperçu que beaucoup espéraient qu’on allait se planter et ont d’ailleurs tout fait pour que l’on se plante. On est donc assez fiers de cette réussite même si on a perdu le match sur la glace (NDLR : 5-4 contre Briançon). On a aussi réussi l’aspect commercial de cet événement. Le Winter Game a été rentable pour le club et c’était crucial pour nous. On a désormais un savoir-faire, on l’a fait et je crois, sans prétention, que nous étions le seul club en France à pouvoir le faire. Si d’autres veulent nous imiter qu’ils sachent qu’ils devront être très bien préparés et avoir une volonté à toute épreuve.

- Il y aura un « Winter Game 2 » ?

- Pour l’instant on digère tout ça ! Il est sûr que partenaires et prestataires sont partants pour recommencer, un certain nombre de « politiques » aussi mais on est encore en phase de réflexion. Je ne sais pas si nous serons capables ou non d’en faire un rendez-vous annuel.

- En tant qu’ancien Centaure tu gardes un œil sur le foot US français ?

- Oui bien sûr. Globalement je trouve que le foot US français en bien progressé ces dernières années. J’ai suivi la saison dernière via des streamings et j’ai vu quelques belles choses. Je regrette que notre sport reste encore très parisien, j’ai l’impression que la direction du foot US français reste très centrée sur quelques clubs parisiens. Ca n’a pas changé depuis « mon époque ». J’ai aussi vu via le web quelques matchs en Allemagne et en Autriche et j’ai vraiment été très impressionné par ce qu’ils arrivent à faire. Il ne faudrait pas que l’on se fasse trop distancer par ces pays.

Photo : Fabien Baldino

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