Politique, jeu à XIII et vielles histoires.


C’est un petit article croisé à la suite des résultats des élections régionales qui m’a mis la puce à l’oreille. Marion Marechal Le Pen, la poupée Barbie qui espère devenir Présidente de la région PACA dimanche soir est devenue un des très rares soutiens politiques du rugby à 13 en France. Voilà qui ne manque pas de piquant et d’ironie ! Même si ce n’est pas finalement totalement illogique… Petit retour en arrière sur l’histoire socio politique du rugby à 13.

Toute l’histoire de ce glorieux sport est liée justement à un clivage socio-culturel. En 1895, en effet, le rugby anglais se divise en deux branches et pour une raison qui va marquer à jamais les deux rugby : Les joueurs du Nord de l’Angleterre, principalement  des ouvriers du « Heartland » industriel veulent être payés. Tenants de l’amateurisme et de la « pureté sportive » pour reprendre une expression de l’époque les clubs du Sud, majoritairement composés d’étudiants et de membres de clubs huppés de la région de Londres, ne veulent pas en entendre parler. Le XIII ou Rugby League, pro, col bleu et nordiste grandira désormais en opposition au XV, Rugby Union, amateur, aristo, universitaire et sudiste.

Cette opposition va durer presque un siècle, jusqu’à ce que le XV mette fin à quelques décennies d’hypocrisie et passe au début des années 90 à un statut professionnel qui a révolutionné et accéléré son développement dans le Monde. Et cette opposition va s’exporter, notamment en Australie et en France où les deux rugbys vont grandir avec les mêmes bases.

En France c’est au début des années 30, avec donc avec pas mal de retard sur le XV, que le XIII débarque. La greffe prend très rapidement, sur des terres déjà séduites par le rugby dans le Sud et comme ce jeu à 13 accepte de par ces statuts un certain professionnalisme, il intéresse rapidement des ouvriers (souvent agricoles)  qui veulent mettre un peu de beurre dans les épinards. C’est donc logiquement dans les parties les plus industrieuses du grand Sud que le 13 prend racine. C’est le rugby des réfugiés espagnols venus travailler dans les vignes des Corbières (comme l’indique fièrement le logo du club de Ferrals ici ) ou les champs de tabac de la vallée de la Garonne, des mineurs de Carmaux et des ouvriers du cuir du Tarn, des journaliers des champs de melon de Cavaillon et de pèches du Roussillon. Le rugby à XV traverse alors une période difficile, entachée de violence sur les terrains et de magouilles en dehors, et le nouveau venu lui fait une concurrence sévère. Pendant les années 30 le nombre de clubs de « rugby union » tombe de 784 à 558 alors que celui des clubs de « league » atteint les 200. Compte tenu de son implantation le 13 est rapidement considéré par le milieu (déjà) très conservateur du XV comme le rugby des « rouges » et la haine s’installe…


Et comme dirait Brel, la guerre arriva. Et avec elle Pétain, sa haine du communisme et son penchant pour l’imagerie fasciste du sportif pur, beau et parfait. Il ne peut supporter un sport (semi) professionnel « pourri » par l’argent. Après un lobbying revanchard et tenace des barons du XV il décide purement et simplement d’interdire les compétitions de rugby à 13 dès octobre 1940 et de dissoudre et saisir les biens des clubs et de la fédération le 19 décembre 1941. Le 13 est décapité.

Il s’en remettra, en tout cas provisoirement, et redonnera quelques sueurs froides aux quinzistes pendant les années 50 mais il ne sortira plus de ses régions d’origine et disparait là où il était en position de faiblesse comme en Aquitaine en dehors de l’Agenais. En 1981 la finale arrêtée pour bagarre entre Villeneuve et le XIII catalan marquera le déclin définitif du jeu à 13. La haine entre les deux rugbys restera forte durant tout l’après-guerre et il faudra attendre 1993 et un long et amer procès pour que les treizistes aient le droit d’appeler leur sport « Rugby » qu’ils devaient nommer « Jeu à treize » depuis la guerre.

Les crises industrielles, viticoles  et agricoles ont foncièrement changé les terres du XIII ces dernières décennies et plus qu’ailleurs dans le Sud et le Sud-Ouest la population a souffert d’un déclin qui même si il est plus discret peut se comparer à celui des régions industrielles du Nord et de l’Est. Ce n’est donc pas un hasard si comme « là-haut » ces régions connaissent une profonde mutation politique et voient basculer des bastions traditionnels de gauche du côté de l’extrême droite.

Et voilà comment Marion Maréchal Le Pen, parachutée en Vaucluse, au pays des ouvriers maraichers et des vieux clubs traditionnels du 13 que sont Avignon-Le Pontet et Carpentras est devenue le soutien d’un sport honni par un des modèles de son Grand Père. La carte des résultats de dimanche est d’ailleurs frappante. Dans un Sud-Ouest rural et modéré, les taches marine, celles des départements ayant mis en tête le FN tranchent sur le rose radical socialiste. Ces départements ? Le Lot et Garonne, l’Aude, le Tarn et les Pyrénées Orientales, les fiefs du XIII ! (plus le Tarn et Garonne). Quant au Vaucluse de Marion il reste LE bastion du Front dans un Sud Est qui risque de basculer pour de bon. Quant à « l’ennemi » lui aussi il a parfois changé de camp. Ce soutien pour le 13 de la « petite fille » est aussi et surtout un (petit)  moyen d’ « emmerder » le monsieur XV de sa région, le Président du RCT, Mourad Boudjellal qui n’a jamais caché sa haine profonde pour les idées du Front national. La boucle est bouclée.

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